Ce matin, au saut du lit, en allant faire mon marché (des pommes et des crevettes), j’ai eu droit aux militants socialistes qui m’ont sauté dessus. Moi garçon poli, je leur dis que je vais voter non ou aller lézarder à la plage mais que je veux bien écouter les oui-ouiistes. Pour commencer, j’ai droit à une militante qui m’explique que tous les droits fondamentaux sont garantis, je lui objecte que j’ai vu que le droit de propriété n’était pas super bien garanti (pas de réponse sur le sujet). Elle se lance alors dans une grande diatribe pour m’expliquer que même si je n’aime pas un article, c’est pas une raison de repousser la constitution et surtout son “esprit”. Parce que comme elle me le dit, les articles qui ne vont pas c’est ceux que les 6 pays socialistes ont consenti au 19 autres non socialistes. J’objecte que cette vision des choses est parcellaire car les autres socialistes n’ont pas forcément la même vision du socialisme que le parti français (pas de réponse) et que la géopolitique européenne est loin de s’incarner dans des pseudo-rivalité droite-gauche telle que la ridicule constitution française nous y oblige (pas de réponse). Elle m’explique alors que le traité c’est comme une assurance auto que l’on signe, il y a toujours des clauses qu’on aime pas. Je lui réponds alors qu’il y a le choix de voir s’il y a d’autres assurances. Elle me répond alors que son exemple “vaut ce qu’il vaut”. Je la sens désemparée et elle me dit: “il faut que vous parliez avec Stéphane, il va vous convaincre”. Me voilà présenté au Stéphane Le Foll, député européen de son état et directeur de cabinet de François Hollande, “C’est Yo, il est beau, il est jeune, mais il va voter non ou aller à la plage!!”. Il me serre la pogne, je ne la dédaigne pas (Philippe Teutsch se tient à mes côtés car il est aussi supporter du oui et fait campagne avec le beau et grand Stéphane, beau comme un Vinz si vous voyez ce que je veux dire).
Première réponse de Stéphane: “Ha s’abstenir, beaucoup le feront ce jour là .” Il se renseigne un peu sur moi, je le renvoie de suite à Philippe qui m’introduit (Philou partira bien vite faire son marché). Moi, je ne demande rien sur lui. Autour de nous, sa cour: un mec de framatome qui comprenait de travers tout ce que je disais et répondait que des trucs qui pouvaient me pousser à voter non (un subtil regard de son chef lui a fait comprendre de ne pas trop en rajouter), un industriel qui me parla du textile (j’y reviendrai), un militant qui disait que j’étais jeune et que les jeunes aiment dire “oui” (j’ai failli répondre surtout quand on les encule mais je suis un garçon présentable ne l’oublions pas et cela aurait coupé la communication) et qu’ils n’ont pas peur de l’Europe (je lui dis que je n’ai pas peur mais que je voudrais autre chose qu’un empire technocratique), et une militante (pas celle qui m’a emmené au Stéphane, elle est partie sans demander son reste) qui ponctuait les interventions de son chef par des “ha j’espère que ça vous fera voter oui” (souvenez-vous en car je ne remettrai pas sa ponctuation par la suite).
Donc voilà , je prends le contrôle des débats et déboule sur “à quoi ça sert cette constitution ? Quels sont donc les droits qui ne sont pas déjà inscrits dans les constitutions des autres pays ?”. Moment de réflexion, Stéphne observe le sol, puis: “Hé bien en Hongrie, depuis la chute du mur, les gouvernements ont mis en place des politiques néo-libérales et le syndicalisme y est inexistant. La constitution va sans doute permettre l’émergence du syndicalisme” (ici je me vais avoir en beauté (hé oui, le saut du lit), je ne lui ai pas demandé si l’explosion économique de la Hongrie et l’amélioration rapide du niveau de vie (entendu comme niveau qualitatif: les gens gagnent de l’argent pour pouvoir acheter des trucs) n’était pas la cause de cela). Filou, il embranche sur le syndicalisme et me dit que majoritairement, les syndicats votent oui (la CGIL et la DGB et leurs effectifs puissants en tête). J’objecte que la CGT ne le fait pas et je lui fais remarquer (pas complètement endormi non plus) que la structure du syndicalisme est très différente de pays en pays. Il me répond que la constitution va aider à l’harmonisation du syndicalisme en Europe. Je lui dis alors qe je ne vois pas l’intérêt de ceci et qu’il est tout à fait normal qu’il existe diverses formes de syndicalisme suivant les cultures. Filou (il est fort ce lascard, de plus il fait trois têtes de plus que moi alors bon vous voyez le rapport de force physique, en plus j’ai mal au jmbes depuis que j’ai niqué mes cuisses hier), il attaque la non représentativité de la CGT et de ses quelques militants (qu’il décrit comme un vulgaire machin issu de l’anarcho-syndicalisme (si si, ça m’a fait plaisir que l’on se souvienne en ce petit matin d’avril des anars) qui n’a qu’une culture d’opposition.. Malin (mais pas assez, j’aurais pu attaquer sur la représentativité du PS et de ses 120000 adhérents, un nain à côté de la CGT), je contre attaque : la structure du syndicalisme français est bloquée par les clauses de représentativité (CGT, CGE-CGC, FO, CFDT, CFTC sont les seuls interlocuteurs du gvt et du patronat depuis une loi de 1946, les autre syndicats n’ont pas voix au chapitre les SUD par exemple). Il me dit: “Mais tu as raison et d’ailleurs dans le programme de 2007, le PS va s’attaquer à ce problème”. Je m’exclame:”Hein, vous allez enfin virer les clauses!!”. Le mec qui comprend rien de ce que je dis essaie de repartir en inversant mon discours et se met à parler des effectifs des syndicats. je lui dis “Stop!!” (des Dieux, je coupe le sifflet à un socialo, que du plaisir) et demande à Stéphane de répondre, il me dit que effectivment le PS va s’attaquer à ce problème. Je lui dis qu’ils n’en auront pas le courage (pas de réponse).
Il profite du blanc pour me relancer sur un nouveau sujet: l’écologie. il me fait remarquer que lui il a peur de l’effet de serre et des kérozènes qui tombe du ciel (je souris) et il me dit que l’Europe sera une force pour imposer l’écologie au monde (vous voyez vers où il m’emmène ??). Je lui parle alors du développement et que je trouve bien hypocrite que nous les premiers pollueurs aillent imposer des lois aux pays en développement qui eux ont besoin de se construire des usines. Vlan, il me coince en me présentant son mec du textile qui m’explique que grâce à des réglementations européennes les usines du Maghreb ont été obligées de se conformer à des normes et il me dit que bientôt ce sera pareil pour les chinois. Il me dit, on va les obliger à produire écolo et à consacrer une partie de leurs budgets à l’environnement (l’argument est léger comme une plume mais bon, je préfère qu’ils bouffent mes amis ouvriers chinois).
Le débat reprend alors sur la place de l’Europe dans le monde (c’était là où il voulait m’emmener) et qu’il faut que les 485 millions de personnes peuplant l’Europe se regroupent pour former un bloc face aux autres blocs continentaux que sont la Chine, L’Inde, les USA et bientôt l’Amérique du Sud. Je lui dis que je n’en vois pas l’intérêt, qu’il se place dans une démarche d’opposition entre des blocs (ça me rappelle “1984″, mais je ne lui en fais pas part et choisis de rester sur son terrain). Position que je juge inconsistante et puérile. Il me rétorque que non il ne s’agit pas d’opposition mais d’influence et de me citer la mini réussite de l’UE d’avoir fait signer Kyoto par Poutine, je m’esclaffe. Il me dit que voilà une petite victoire de l’Europe (je pense ha ben si y a déjà des victoires pourquoi s’emmerder à vouloir changer la constitution).
Le débat repart aussi sec sur les institutions européennes: je lui dis voilà il y a la commission qui réglememente tout ce qui est possible et imaginable face à un parlement fantoche (à ce moment, j’avais oublié que j’avais un député européen face à moi). Fier comme un paon, il m’explique la commission édicte des lois que les états peuvent suivre ou ne pas suivre s’ils le veulent (ici, il a menti pour choper le gogo, et il suffit de regerder euronews tous les matins à 8h10 pour voir les procès que la commission intente aux états pour non-respect de règles qu’elle édicte, je sens que la conversation va se terminer). Je soupire devant ce mensonge et là , il tente l’assaut final par le “rêve européen” et me décrit (sic!! les enfants): un monde uniformisé de Brest à Brest-Litosk où tous les citoyens seraient identiques, un monde sans concurrence, sans diversité. J’objecte alors: mais que deviendraient les habitants dans ce monde uniformisé où naître à Brest serait la même chose que naître à Brescia, où serait la liberté de mouvement, la liberté de s’organiser comme on le souhaite, la liberté de cultures différentes et si tout est uniformisé, où serait la liberté de créer ? Non monsieur, me dit-il, “moi je suis socialiste, je fais de l’uniformisation sociale”. mais je lui dis, c’est impossible: les niveaux de vie sont disparates (pourquoi obliger à hisser des niveaux de vie ? ca n’a pas de sens!! Il faudrait artificiellement faire exploser les prix et exploser tout aussi artificiellement salaires and co (niveau de vie au sens quantitatif: ton niveau de vie se résume alors à ce que tu gagnes et non pas l’adéquation entre ce que tu gagnes et ce que tu consommes décrite plus haut), les particularismes régionaux sont des choix originaux de société et de développement, pourquoi les contraindre et imposer la même marche à tout le monde ? “Car il faut uniformiser!!” me répond t’il.
La conversation se meurt là dans un combat uniformiste autoritaire contre créatif libertaire. Phillipe Teutsch revient de son marché et propose d’aller boire un verre. Mes six socialos bougent au bar. “ha j’espère que ça vous fera voter oui” me dit pour la dernière fois la petite militante souriante. Je vais vers le haut du marché, Le Foll se retourne alors et me propose un verre de loin. “Non merci” fut mon dernier mot à son adresse et il résume mon opinion.
Bonus track: Michel ne dit pas que des conneries